En préparant l’exposition consacrée à la rétrospective des trente années d’activités des ATP Marmande, je suis tombé sur des documents vieux d’une trentaine d’années. Plus que jamais d’actualités je ne résiste pas au plaisir de vous en faire part.
En 1979, Yan Dieuzaide, photographe toulousain bien connu, ouvrait sa « Galerie du Château d’eau » à Maurice Roux. Il faisait parler son hôte et avait rédigé ces quelques lignes dans la plaquette présentant son expo, « Gens de Gascogne » il lui rendait un vibrant hommage en disant : « l’auteur comme bien d’autres, certes, n’est pas connu ; qu’importe, le Château d’eau n’est-il pas, à l’occasion, fait pour ce type d’homme, artiste sans le savoir, régional de surcroît, philosophe à sa manière, humaniste par pensée, par patience, par action et par images ».
Maurice Roux, un homme en avance sur son temps ?
« Le monde dans lequel on vit fait tellement pour anéantir nos sensations profondes, que finalement il échoue. Il est peut être encore temps de détruire les monstres qu'il engendre et que l'on commence à entrevoir. Il est peut être encore temps de mettre un terme à cette suffisance qui a déclaré la guerre à la nature dont nous sommes tous issus. Ces dénouements pourraient être proches si on voulait simplement se donner la peine de ne pas oublier, de voir, de regarder, d'observer que toute une culture fiche le camp. »
Maurice Roux se sent impliqué dans ce courant négatif et met toutes ses forces vives à le freiner et à lui faire remonter le cours. Paradoxalement ce n'est peut-être pas un passéiste, mais plutôt, comme certains artistes, un homme en avance sur son temps. Avec la patience d'un chercheur, il puise ses informations au creuset de cette encyclopédie vivante que sont les familles paysannes de notre Gascogne natale : là, vivent encore ces robustes grands pères, gardiens du savoir ancestral.
Pour retrouver la sagesse, il faut sauver les traditions rurales ;
« La vie traditionnelle est un tout. Il serait arbitraire d'enfermer cette culture dans de gigantesques - herbiers d'humanité - qui meurent pour la plupart malgré la perfection de leur étiquetage. Je suis paysan, dit-il, et je me sens solidaire et intégré au monde paysan et non à celui des industriels de l'agriculture ; ils sont en décadence totale. Pour retrouver la sagesse, il faut sauver les traditions rurales au lieu de faire avec les agriculteurs des esclaves des banques agricoles.
Ma passion avant même la photographie, c'est l'observation ; je lui ai sacrifié des images mais elle m'en a amené d'autres, celles de la perdrix dans son nid à quelques centimètres de mon objectif ou cette palombe d'un naturel très méfiant me permettant à découvert de la photographier en très gros plan en donnant la becquée : c'est pour moi le sommet de l'amitié. Cette amitié m'a fait découvrir celle du monde rural ; par la tradition orale j'ai pu étudier au-delà des aspects sociaux le nom des oiseaux et leur chant que le patois sait si bien imiter, les noms des bêtes dites sauvages et leurs mœurs saisonnières que le braconnier connaît bien pour avoir passé de longues heures à l'affût, le nom des vieux outils et les chansons qui en rythment l'emploi ».
La grande peur de Maurice Roux, celle dont il ne se console pas, c'est de savoir que « le monde rural est une des dernières classes de la société qui peut sauvegarder l'humanité et la laver du péché d'orgueil, mais va-t-il rester de vrais paysans ? »
Je terminerai ce propos par une citation d'André Varagnac tirée elle aussi de la plaquette présentant l'expo photo de Maurice Roux ( à méditer comme tout ce qui précède ) :
« C'est au niveau des -petites patries- que l'on peut redécouvrir, en notre dure époque, un sens précieux de l'humain.
Le paysan qui au seuil de sa chaumière accueille l'étranger en lui offrant le pain et le sel, est un porteur de civilisation plus authentique que le propagandiste polyglotte qui franchit les frontières avec ses codes publicitaires. »
N'en déplaise à certains (chercher l'allusion), rien que pour cela, j'étais, je suis et je resterai toujours un ardent défenseur des Arts et Traditions Populaires.
Roger Gaston