Bouglon a connu au XIXème siècle un félibre, membre de l’ « Escolo gascouno de Marguerito » de Nerac : il s’agit de Fernand Botet de Lacaze qui écrivait des poésies. L’une d’elle a d’ailleurs été primée à la séance des jeux floraux du 7 août 1898 pour le centenaire de Jasmin, il y déplorait la construction de la ligne de chemin de fer Marmande-Mont de Marsan, il était impossible de ne pas opérer un rapprochement avec le projet actuel de Ligne à Grande Vitesse, c’est pour cela que tout un chapitre lui est consacré pages 192 à 198. Les de LACAZE étaient propriétaires du moulin du Clavier sur l’Avance.

Il a également écrit d’autres poèmes comme « Lou parsol de coutounade » qui date de 1900. Il y fait l’éloge du vieux parasol ou plutôt parapluie, car en gascon « que prenguèm lo parsol per se botar a l’acès de la pluja ». (on prend le parasol pour s’abriter de la pluie). Ce vieux parasol est tellement utile, il protège de l’insolation, de la pluie battante, du vent du nord, il sert de canne, on s’abrite à deux, on ne s’en sépare jamais pas même pour danser et il cache aux regards les tendres baisers que l’on s’échange.

Lou parsol de coutounade.

Lés géns sé crésent bién rusats

D’inbénta tant dé mécaniques

Parlent d’abé dé cans errats

Et dé capets per las bourriques

Rémplacentlous péous et las dénts

Lou binagre dén la salade

N’ats pas rémplaçat, pècs sabéns

Lou biél parsol dé coutounade.

 

Per tuoua géns subtilemént

Abén lou fluenza, la bille

Lou progrès bail pu roundemént

S’an énbéntat, l’atomomile !

Pér ana déns l’éternitat

Tant préfèri la prouménade

Tout doucemént, a pas dé gat

Dans lou parsol de coutounade

 

Lous parsols noubèts soun pétits,

Tant baou une mige coucure,[1]

Les géns sé crésent désgourdits

Dé sé capéra la figure !

Les goutères tiottent quant plaou…

Sus les fesses… la badinade !

Per las abé aou sèc, qué faou ?

Lou biel parsol de coutounade !

 

Aou joun d’aneyt bésent passa,

En migrassant[2], las damisèlles

Que s’assagent dé s’estuja[3]

Derrey las trosses oumbrelles

Praoues pègues ! n’aouré jamais

Péndént l’estiou, d’estournigades[4]

Sé sé birèbent lo soréil

Dans lou parsol de coutounade !

 

Et l’hiouère, core y yel frét

Qu’aquer brigant dé bén dé bise

Faou qu’aouji un famus toupét

Traouque la pèt et la camise.

N’én n’arrén pas péta las dénts

Quant la trémblade és arribade

Sé birèbent lou méchant témps

Dans lou parsol dé coutounade !

 

Daoutes cops, capat lous routets

Lou matin core bruméjabe

Un ligot dé pétits droulets

Dé pous aou bén caminéjabent.

Tant balibent d’aquets céps blus

Qué bazent aou bos én rénglades,

Qué n’én capère soubèn dus,

Lou biel parsol de coutounade !

 

Lou diménche, l’après midioun,

Con coiquèbe[5] lou cabrétiaïré[6]

Las géns s’appilèbent én round

Pér dansa bién millou qu’adare !

Lous dé daouan saoutèouent aou pas

En counduisin la réculade[7]

Lous dé darrèy abèn sous bras

Lsoun biel parsol de coutounade

 

Con lou soureil, débat lous pins

Pér ana drumi s’allougabe

Cadun prénèbe soun camin

Cada galant s’appareillabe[8] !

Core plabèbe, dénque a soun

Accoumpagnèbent sa maynade[9] !

A bé catiat force poutouns

Lou biel parsol de coutounade

 

Dus biéls éspous, a l’arrajade[10],

Caquétèbent d’anciénnes caouses :

La junesse mé eyt bién döou ,

Et tu desnègue[11] mé sé gaouzes !

Jou, qué bos, n’y pénsi pas mey

M’escalouris la soureillade !

Podes estuja aou souleil

Lou biel parsol dé coutounade !

Bous an tallemént estujats,

Praoués parsols qué las hurragnes[12]

Y ban droumi sans pöou das gats

Et qui ban coutia las tiragnes[13] !

Nostes rehils[14] n’aouran pas meyt

Lous biéls parsols dé coutounade !

Et sé trobent aquet papey,

Lou légirant pér coulliounade !

Fernand de Lacaze 1900

Le parasol en coton.

Les gens se croient bien rusés

D’inventer tant de mécaniques

Ils parlent d’avoir des chiens ferrés

Et des chapeaux pour les bourriques

Ils remplacent les cheveux et les dents

Le vinaigre dans la salade

Ils n’ont pas remplacé, savants fous,

Le vieux parasol de coton.

 

Pour tuer les gens subtilement

ils ont « lou fluenza »[15] , la bille

Le progrès va plus rondement

Ils ont inventé l’automobile

Pour aller dans l’éternité,

J’aime autant la promenade,

Tout doucement, à pas de chat,

Avec le parasol en coton.

 

Les nouveaux parasols sont petits

Ils ressemblent à une moitié « coucure »[16]

Les gens se croient dégourdits

De se couvrir la figure !

Les gouttièrent dégoulinent quand il pleut

Sur les fesses… La belle affaire

Pour les avoir au sec, que faut-il ?

Le vieux parasol de coton.

 

Au jour d’aujourd’hui on voit passer

En minaudant, les demoiselles

Qui essaient de se cacher

Derrière de petites ombrelles

Pauvres folles, elles n’auraient jamais

Pendant l’été des étourdissements

Si elles se protégeaient du soleil

Avec le parasol de coton !

 

Et l’hiver quand il fait froid

Que se brigand de vent du nord,

Il faut qu’il ait un fameux toupet,

Troue la peau et la chemise.

Elles ne feraient pas claquer les dents

Quand la tremblotte est arrivée

Si elles se protégeaient du mauvais temps

Avec le parasol de coton

 

Autrefois, le long des chemins

Le matin quand il y avait de la brume

Un troupeau de petits enfants

Les poux au vent cheminaient

On aurait dit de ces cèpes bleus

Qui naissent dans le bois en rangées

Il en recouvre souvent deux

Le vieux parasol en coton.

 

Le dimanche après midi,

Quand sonnait le cornemuseux

Les gens s’agglutinaient en rond

Pour danser bien mieux que maintenant !

Ceux de devant sautaient en mesure

En conduisant la reculade

Ceux de derrière avaient sous leur bras

Leur vieux parasol en coton.

 

Quand le soleil sous les pins

Pour aller dormir s’allongeait

Chacun reprenait son chemin

Chaque galant s’acouplait

Quand il pleuvait , jusque chez elle

Ils raccompagnaient leur amie !

Il a bien caché forge baisers

Le vieux parasol en coton.

 

Deux vieux époux à la pause

Caquetaient sur le bon vieux temps ;

Je regrette bien ma jeunesse

Et toi dis moi le contraire si tu oses !

Moi, que veux-tu, je n’y pense plus

Les rayons du soleil me réchauffent !

Tu peux cacher du soleil

Le vieux parasol en coton.

 

Ils vous ont si bien cachés

Pauvres parasols que les souris

Vont y dormir sans peur des chats

Et lesaraignées vont y coucher !

Nos petits-enfants n’auront plus

Le vieux parasol en coton !

Et s’ils trouvent ce papier

Ils le liront… comme une couillonnade !


  • [1]Coucure : gale du chêne
  • [2]Migrassar : minauder, faire des manières
  • [3]S’estujar : se cacher
  • [4]Estournigarde : étourdissement du au soleil, tourniole.
  • [5] Coiquèbe :litéralement il faisait des couacs, des canards, il ne jouait pas très juste !
  • [6]Cabrétaïré : joueur de chabrette, cornemuseux.
  • [7]Réculade : reculade, danse traditionnelle.
  • [8]S’aparellar : se mettre en couple, en paire.
  • [9]Maynade : jeune fille
  • [10]Arrajade : s’arrajar, s’exposer aux rayons du soleil souvent sur un banc, devant la porte.
  • [11]Desnegar : contredire, renier
  • [12]Hurragnes : souris
  • [13]Tiragnes : araignées
  • [14]Rehils : petits-fils, petits enfants
  • [15] « Lou Fluenza », sous toute réserve, gaz employé dans les tranchées, selon un ancien poilu, le gaz moutarde ou ypérite.
  • [16]Coucurre : c’est ainsi que l’on appelle la gale du chêne, cette boule grise de la grosseur d’unr prune qui abrite un parasite de l’arbre.
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